A Passion for Compassion
Le Dr Shane Sinclair a été interviewé par Hena Kon.
Hena Kon (HK) : Qu'est-ce qui a suscité votre intérêt pour le sujet de la compassion ?
Shane Sinclair (SS) : J'ai commencé à m'intéresser à la compassion lorsque j'ai travaillé en tant que praticien de la santé spirituelle dans une unité de soins palliatifs spécialisée, puis dans une clinique externe de cancérologie. Assis au chevet des malades, j'entendais des patients dire : « J'aime vraiment cette infirmière » ou « J'ai le meilleur oncologue ». Lorsque je leur demandais pourquoi ils étaient de cet avis, la réponse revenait inévitablement à la compassion. J'ai également été frappé par le fait qu'en dépit des différences entre les diverses confessions et traditions spirituelles, la compassion est l'ultime épreuve décisive de ce que signifie être véritablement humain. Il est intéressant de noter que même Albert Einstein et Charles Darwin ont placé la compassion au sommet de l'échelle de l'évolution.
HK : Dans vos recherches, vous faites la distinction entre sympathie, empathie et compassion. Quelles sont les définitions de chacun de ces mots et pourquoi cela est-il important ?
SS : La sympathie est une réponse basée sur la pitié à une situation de détresse qui se caractérise par un manque de compréhension relationnelle et l'auto-préservation de l'observateur. Elle crée souvent des barrières entre le professionnel de la santé et le patient. L'empathie est une réponse affective qui reconnaît et tente de comprendre la souffrance d'un individu par une résonance émotionnelle. La compassion est une réponse vertueuse qui cherche à répondre à la souffrance et aux besoins d'une personne par la compréhension et l'action relationnelles. La compassion exige ce que j'appelle de la « sweat equity », c'est-à -dire une action qui fait passer l'empathie au niveau supérieur.
Dans l'une de nos études, même des patients âgés d'à peine huit ans savaient instinctivement faire la différence. Indépendamment de l'âge et du sexe, les patients que nous avons interrogés n'aimaient pas la sympathie et avaient une nette préférence pour la compassion.
HK : Comment les professionnels de la santé peuvent-ils offrir de la compassion à leurs patients ?
SS : Il s'agit vraiment d'aller au-delà de l'appel du devoir et de tempérer les soins de routine par la compassion. Il s'agit d'extras simples, comme un médecin qui termine une visite en demandant au patient : « Puis-je vous apporter une couverture ou un verre d'eau ? » ou une infirmière qui décrit une procédure avant de la commencer en disant au patient : « Cela risque de piquer un peu ». Chaque fois que les gens me disent qu'ils n'ont pas le temps de faire preuve de compassion, je réponds toujours : « Avez-vous 40 secondes ? » Parce que c'est tout ce dont les patients ont besoin pour ressentir de la compassion de la part de leurs soignants.
HK : Pourquoi est-il important de mesurer la compassion et comment vous y êtes-vous pris ?
SS: Avec mon équipe du (laboratoire de recherche sur la compassion), j'ai mis au point le Sinclair Compassion Questionnaire (SCQ) (questionnaire de compassion de Sinclair), un outil convivial et cliniquement pertinent qui quantifie l'impact de la compassion sur une équipe ou une organisation de soins de santé. Le est reconnu comme la mesure de la compassion la plus valide et la plus fiable pour la recherche, la pratique et l'évaluation des systèmes de santé. Au fil du temps, il aide les équipes de soins à améliorer la qualité des soins au chevet des patients.
HK : La compassion est-elle innée ? Peut-elle être enseignée ?
SS : La capacité de compassion est innée. Cela dit, nous pouvons tous cultiver la compassion. Notre laboratoire a récemment reçu des fonds des CIHR pour élaborer une formation accréditée sur la compassion, fondée sur les compétences, à l'intention des fournisseurs de soins de santé.
HK : Le personnel de santé subit une pression énorme pour fournir des soins efficaces et rentables. La pandémie de COVID a entraîné des taux élevés de démoralisation et d'épuisement professionnel. Comment faire de la place pour la compassion dans le contexte de la crise actuelle des soins de santé ?
SS : La pandémie a révélé un manque de compassion au niveau des systèmes et des politiques; ce qui s'est passé dans les soins de longue durée en est un bon exemple. La souffrance des patients dans tous les domaines a traumatisé les professionnels de la santé. La pandémie a vraiment mis en évidence le fait que nous ne fonctionnons pas dans un système compatissant et que l'impératif de compassion ne peut pas reposer sur les seules épaules des prestataires de soins de santé.
HK : Qu'est-ce qui met un peu de gaieté dans votre vie ?
SS : Voir comment mes recherches continuent de faire une différence pour les patients est inspirant et motivant. Après 15 ans de travail, il est gratifiant de savoir qu'il existe un consensus au sein du système de santé sur l'importance de la compassion. Nous avons démontré que la compassion améliore l'expérience des patients, leurs résultats, la qualité des soins et le bien-être des prestataires de soins de santé. Aucune autre forme de soins n'a plus d'impact sur tous ces domaines que la compassion.
Shane Sinclair, titulaire d'un doctorat, est professeur agrégé et professeur de recherche en soins du cancer à la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Calgary. Le professeur Sinclair est un ancien boursier postdoctoral des Instituts de recherche en santé du Canada (Université du Manitoba), un récipiendaire du prix d'excellence en recherche de l'Association canadienne de soins spirituels et un lauréat du prix Top 40 under 40. Il est l'auteur de plus de 75 publications évaluées par les pairs.
Pour en savoir plus : ;
Ìý