Le 10 novembre, Yolande E. Chan, doyenne de la Faculté de gestion Desautels de l’Université ²»Á¼Ñо¿Ëù, a donné le coup d’envoi à la première conférence du Centre Laidley d’éthique et d’équité des affaires (CLEEA), qui portait sur la gestion éthique des soins de santé. Plus d’une centaine de personnes se sont réunies pour discuter du sujet, y compris des membres du corps professoral et de la communauté étudiante, des spécialistes des soins de santé, des chercheurs et chercheuses en bioéthique et en technologies de la santé ainsi que des porte-parole de jeunes entreprises. Le thème choisi était particulièrement d’actualité dans un milieu qui subit encore les effets de la pandémie mondiale et qui doit s’adapter aux défis systémiques mis en lumière.
La première table ronde intitulée « Éthique et innovation en santé » traitait de la difficulté de concilier l’innovation axée sur les patients et patientes et la rentabilité. Selon le professeur , directeur de l’innovation, de la transformation et de la performance clinique au Centre universitaire de santé ²»Á¼Ñо¿Ëù, lorsque les équipes de recherche se concentrent sur le bien-être des personnes et les entreprises mettent l’accent sur la rentabilité, la confiance et la collaboration nécessaires pour faire progresser la technologie médicale s’en trouvent réduites. Par exemple, , cofondatrice et directrice de la technologie de FemTherapeutics Inc., a expliqué que pour réduire la concurrence, les grandes firmes achètent les petites entreprises, y compris les innovations axées sur les patients et patientes que leurs équipes de recherche ont passé des années à développer. Dans une telle situation, les grandes firmes choisissent souvent d’abandonner ces innovations, sacrifiant les besoins des personnes au profit de la rentabilité.
Selon le , président-directeur général du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’île-de-Montréal, « l’argent n’est pas l’enjeu ». Les données de l’ révèlent que le Canada dépense plus d’argent par personne en soins de santé que la plupart des autres pays dotés d’un système de santé public. Cependant, il compte parmi les pays qui possèdent le moins de médecins et de lits d’hôpital par personne, ce qui met en lumière la nécessité de se doter de politiques fondées sur l’équité afin de répartir plus efficacement l’accès aux soins de santé.
Le Dr Rosenberg a expliqué que même si les gens croient que l’innovation est synonyme de technologie, il la considère plutôt comme « une réponse à un besoin non comblé ». Autrement dit, elle englobe aussi les avancées en matière de processus et de réglementation. Le Dr Forster a poursuivi en affirmant que « souvent, l’innovation est freinée par l’absence de règles ». Selon la , présidente et directrice scientifique du , nous ne pouvons pas analyser le secteur des soins de santé sans prendre en compte les lois et les facteurs socioéconomiques sous-jacents. Elle a affirmé qu’en adoptant une approche fondée sur la convergence, on peut renforcer la synergie entre la santé et les facteurs socioéconomiques et contribuer ainsi à réduire les coûts et les préjudices sociaux dans le domaine des soins de santé.
La deuxième table ronde portait de manière plus approfondie sur les facteurs socioéconomiques qui façonnent le secteur, y compris l’inclusion et l’équité en santé. La , vice-doyenne à la santé des Autochtones, à la justice sociale et à la lutte contre le racisme à l’Université du Manitoba, a soutenu qu’il fallait centrer les soins de santé sur les populations vulnérables, soulignant les répercussions d’une éducation colonialiste et des inégalités de revenus sur la santé des Autochtones. « Quand nous observons ces tendances, il faut nous rappeler que la situation aurait pu être différente. Nous avons créé ces conditions par des choix politiques répétés. » Les travaux avant-gardistes de la Pre Anderson comprennent la mise en œuvre d’une unique visant à recueillir des données sur l’ethnie dans les hôpitaux du Manitoba afin d’éclairer les politiques ayant pour but d’attribuer des ressources supplémentaires aux populations à haut risque. En permettant aux populations autochtones du Manitoba d’accéder en priorité aux vaccins contre la COVID-19, nous avons sauvé des vies. Lorsque cette mesure fondée sur l’équité n’a pas été appliquée pour les membres des Premières Nations vivant hors réserve, des taux de gravité supérieurs ont été enregistrés à un plus jeune âge.
Richard Budgell, du Département de médecine de famille de l’Université ²»Á¼Ñо¿Ëù, a aussi parlé des choix politiques et des inégalités en santé. Il a indiqué que les peuples inuits devaient parcourir des distances énormes pour obtenir des soins de santé. Il a suggéré d’utiliser les millions de dollars dépensés en transport médical afin d’accroître l’offre locale de soins de santé dans les communautés inuites. , directrice associée du Bureau de la responsabilité sociale et de l’engagement communautaire de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université ²»Á¼Ñо¿Ëù, a présenté une étude qui révèle qu’en tenant compte de la représentation socioculturelle au sein d’une équipe de soins de santé, on génère de meilleurs résultats. « Ce type de recherche n’a d’utilité pour une organisation que si elle a l’intention de s’en servir pour prendre des décisions éclairées », a-t-elle précisé. De plus, elle a souligné la nécessité d’aller à la rencontre des populations qui font l’objet de l’étude (plutôt que de simplement envoyer des sondages) et d’interroger les gens dans leur propre environnement. Ainsi, vous en apprendrez beaucoup sur leur expérience et pourrez brosser un tableau complet des inégalités dans l’accès aux soins de santé.
À la fin de la table ronde, le , directeur du Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 et directeur de l’, a indiqué que les politiques fondées sur l’équité devaient être enseignées à l’université. Il a proposé une réforme des programmes afin d’enseigner aux futurs professionnels et professionnelles de la santé à apporter des changements éthiques, et il a proposé d’investir dans de nouveaux établissements. « Nous devons doubler le nombre d’établissements pour répondre aux besoins des gens, explique-t-il. La modification des programmes ne suffit pas. » En outre, il a invité les établissements comme l’Université ²»Á¼Ñо¿Ëù à revoir les politiques d’admission et à former des cohortes en médecine qui sont plus représentatives des populations. Il a également souligné que, si nous souhaitons vraiment changer les choses en santé dans le monde, ces établissements doivent collaborer avec d’autres établissements de régions plus défavorisées, et pas seulement avec ceux qui sont de calibre semblable et qui sont situés dans des pays aussi développés.
La dernière table ronde portait sur la gestion éthique de l’intelligence artificielle (IA) dans les soins de santé. , professeur en stratégie et organisation à la Faculté de gestion Desautels de l’Université ²»Á¼Ñо¿Ëù et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en technologie, innovation et organisation, a affirmé que l’essor de l’IA pousserait les organisations à faire des choix déterminants. Pour ce faire, il a souligné l’importance de tenir compte de la diversité des identités et des professions dans la salle. , présidente-directrice générale de VitalTracer, a expliqué que l’utilisation dans les hôpitaux américains durant la pandémie de COVID-19 d’ avait contribué à alourdir les pertes de vies humaines au sein des communautés latino-américaines et noires. Ces appareils avaient été presque exclusivement testés sur des personnes blanches, mais il s’est avéré que le produit chez les personnes ayant la peau foncée. Mme Dastmalchi travaille actuellement à créer une montre conçue pour toutes les couleurs de peau qui utilise des capteurs et l’IA pour mesurer les biosignaux en temps réel. Cependant, en raison des mauvais traitements subis par les personnes de couleur en matière de soins de santé par le passé, il est difficile de recruter des gens pour réaliser ces essais.
Cet exemple témoigne du fait que les solutions doivent être adaptées à des populations représentatives, et qu’il faut créer des environnements sûrs et inclusifs pour encourager la participation à la recherche en IA. Comme les données sur la santé sont très personnelles, Ignacio Cofone, professeur agrégé à l’Université ²»Á¼Ñо¿Ëù et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le droit de l’intelligence artificielle et la gouvernance des données, a préconisé la protection des données dès la phase de conception grâce à la création de protections systémiques.
, associé aux systèmes de santé à Roche Canada, a expliqué que l’IA dans les soins de santé progresse plus lentement qu’ailleurs en raison de la réglementation stricte. Même si elle continue d’évoluer, la nécessité de prendre en compte l’éthique a été réitérée. L’animateur de la table ronde, Nicholas King, a indiqué que ce que la plupart des gens considèrent comme un choix technique est en réalité un choix éthique. Rappelant l’exemple des oxymètres fréquencemètres numériques, il a affirmé que les spécialistes devaient suivre une formation afin de reconnaître les aspects éthiques des décisions techniques. Il a soutenu qu’une telle formation les inciterait à se concentrer sur l’équité et non sur le profit lorsqu’ils créent des produits.
La conférence a soulevé des questions dans l’auditoire qui ont mené à des conversations passionnantes. Le Pr Richard Cruess, grand spécialiste de la formation médicale, faisait partie de l’assistance. Il a déclaré que l’enseignement et l’application des principes de bioéthique pouvaient aider à renégocier le contrat entre les patients et patientes et le système de santé, ce qui éliminerait de nombreux obstacles.
Le mot de la fin a été prononcé par , professeur agrégé en gestion des opérations à l’Université ²»Á¼Ñо¿Ëù, et Lindsay Holmgren, directrice du Centre Laidley d’éthique et d’équité des affaires et professeure agrégée en stratégie et organisation à l’Université ²»Á¼Ñо¿Ëù. Ils ont réitéré l’engagement collectif à intégrer les principes éthiques aux systèmes et aux établissements qui font partie intégrante de notre vie et de notre travail.
Enfin, des remerciements ont été adressés à Lester J. Fernandes, MBA (1982), qui a récemment versé un don de 4 millions de dollars au Centre Laidley afin de financer une chaire à vie en éthique des affaires. Ce généreux don permettra au Centre de recruter un professeur ou une professeure en éthique des affaires de renommée mondiale qui travaillera à développer le volet de recherche de la mission du Centre, et ce dernier continuera d’améliorer la diffusion de nos recherches en éthique des affaires.