Par définition, une maladie rare ne touche qu'un petit nombre de personnes. Sa rareté signifie que les personnes qui en sont atteinte se retrouvent en quête de ressources tout aussi rares : la recherche et l'expertise peuvent être difficiles à trouver et dispersées à travers le pays. Les traitements qui pourraient aider à ralentir la progression des symptômes sont limités; les équipes de soins de santé ont tendance à se concentrer sur la gestion des symptômes qui affectent la vie quotidienne.
Mais alors que ces conditions peuvent être rares, le fardeau collectif de la maladie ne l'est pas. Selon l'Organisation canadienne des maladies rares (CORD), un Canadien sur 12 souffre d'une maladie rare. Ces 3 millions de personnes et leurs familles font face à un pronostic débilitant qui a de graves répercussions sur leur avenir. Et parmi ces maladies rares, on compte les maladies neurologiques, dont plusieurs sont plus courantes au Canada qu'ailleurs dans le monde.
Rendre les maladies rares traitables
L'un des défis des maladies rares est que l'on en sait peu sur les mécanismes à l'origine de la maladie. De plus, les biomarqueurs pertinents n'ont peut-être pas encore été identifiés pour aider à faciliter le diagnostic précoce et la prédiction des résultats cliniques. En conséquence, la recherche clinique doit explorer différentes voies d'action potentielles dans l'espoir de trouver celle qui a le plus d'impact.
« Si on regarde les traitements contre le cancer, il a fallu plusieurs décennies pour comprendre les mécanismes de la maladie. De nombreuses recherches ont été consacrées au développement d'une nouvelle génération de médicaments qui ont radicalement transformé le domaine du traitement du cancer. Et nous constatons enfin le même succès dans le traitement des maladies neuromusculaires rares », explique la Dre Angela Genge, directrice exécutive de l'Unité de recherche clinique (URC) du Neuro (Institut-Hôpital neurologique de Montréal).
La mission de l’URC est de rendre toutes les maladies rares traitables. Les maladies neuromusculaires représentent près de 20 % de tous les essais cliniques à l’URC -- l'un des plus grands centres de recherche en neurologie au Canada qui mène plus de 110 essais cliniques chaque année. Une large liste d'essais permet aux patients d'avoir accès à des traitements expérimentaux pendant leur développement, souvent lorsqu'il n'existe aucun autre traitement pour gérer leur maladie.
Spécialisation neuromusculaire
Un domaine d’intérêt important pour l’URC a été de trouver de meilleures options de traitement pour la myasthénie grave (MG), une maladie neuromusculaire auto-immune débilitante qui entraîne une perte de la fonction musculaire et une faiblesse importante. Dans la myasthénie grave, une réponse auto-immune anormale entraîne une diminution du nombre de récepteurs de l'acétylcholine. Cela provoque à son tour une défaillance de la transmission nerveuse au niveau de certaines jonctions neuromusculaires, c'est-à -dire au niveau de la connexion entre les cellules nerveuses et les muscles qu'elles contrôlent. En bout de ligne, le cerveau et les muscles ne peuvent plus communiquer, entraînant une perte de fonction musculaire et une grave faiblesse.
Les personnes atteintes de myasthénie grave peuvent d’abord ressentir des symptômes légers tels que des troubles de l'élocution, des paupières tombantes, une vision double et un manque d'équilibre, et évoluer vers des symptômes plus graves tels que l'étouffement, une fatigue extrême et même des épisodes d'insuffisance respiratoire. La maladie peut survenir à tout âge, mais débute le plus souvent chez les femmes avant 40 ans et chez les hommes après 60 ans.
Changement d’orientation dans les traitements
Certaines personnes atteintes de myasthénie grave ne répondent pas bien aux traitements disponibles, qui impliquent généralement la suppression à long terme du système immunitaire. Jusqu'en 2017, il n'y avait eu aucun nouveau médicament pour traiter la maladie en près de 60 ans.
"Cette maladie rare est difficile à diagnostiquer et est traitée depuis des décennies par une thérapie immunosuppressive générale. Enfin, au cours des deux dernières années, nous avons un certain nombre de nouvelles thérapies beaucoup plus précises. Cela marque un véritable changement dans les options de traitement », déclare la Dre Genge.
L’URC a participé à une série d'essais cliniques sur la myasthénie grave, étudiant des traitements ciblant des aspects spécifiques de la réponse immunitaire. L'une de ces voies se concentre sur le récepteur néonatal Fc (FcRn). Le traitement bloque ce récepteur, réduisant à son tour les anticorps nocifs de l'acétylcholine qui provoquent les symptômes de la myasthénie grave. Le Vyvgart (efgartigimod), qui a reçu l'approbation de la FDA fin 2021, et le rozanolixizumab qui a affiché des résultats positifs de phase III, utilisent cette approche.
Une autre voie qui s'est révélée prometteuse s'est concentrée sur l'inhibition de la cascade du complément, un groupe de protéines impliquées dans l'activation des cellules immunitaires productrices d'anticorps. Lorsqu'elle est activée de manière incontrôlée, la cascade du complément répond de manière démesurée, conduisant le corps à attaquer ses propres cellules saines. Deux médicaments étudiés à l’URC utilisent cette voie : l’Ultomiris (ravulizumab) qui a été approuvé par la FDA ; et le zilucoplan qui a publié des résultats positifs de son essai de phase III et sera envoyé pour soumission réglementaire plus tard cette année.
« Enfin, les maladies rares reçoivent l'attention dont elles ont besoin de la part des sociétés biotechnologiques et pharmaceutiques. Ces nouvelles options réduiront considérablement le fardeau du traitement pour les patients, tout en permettant à ceux qui ne tiraient auparavant que des avantages modérés de l'ancienne thérapie d'avoir une amélioration beaucoup plus substantielle de la gestion de leur maladie au point d'avoir des symptômes minimes », conclut la Dre Genge.
Pour la liste des essais cliniques en cours à l’URC sur la myasthénie grave et d'autres maladies neuromusculaires, visitez :